Plus de vélo, est-ce moins d’auto ? L’amusant cas hollandais

Les hollandais se déplaçant massivement en vélo, on les imagine plus vertueux, plus écolos que les français. 

Beaucoup de vélo, c’est forcément très peu d’auto ? 

En y regardant de près, ce n’est pas si évident…

Note : cet article n’est pas anti-vélo, il est anti-biais cognitif.

 

Le vélo aux Pays-Bas : une place à part, réellement

Les chiffres sont impressionnants : plus de 1 vélo par habitant en moyenne, 50.000 kilomètres de piste cyclable (plus qu’en France, alors que la Hollande est 15 fois plus petite), près de 1.000 kilomètres parcourus chaque année par personne (10 fois plus qu’en France).

L’image d’Epinal est juste : la place du vélo chez les hollandais est un ordre de grandeur supérieure à celle que nous connaissons en France.

Plus de vélo, c’est nécessairement moins de voiture ? Vérifions.

 

Pour autant, les hollandais utilisent-ils moins la voiture ?

Le vélo n’est pas l’alpha et l’oméga de la mobilité domestique : que ce soit en vélo, en voiture, ou en transports collectifs, chaque hollandais parcourt 11.000 kilomètres par an.

Le vélo, pourtant omniprésent dans les rues et dans les imaginaires, ne représente donc, avec ses 1.000 km par an, que 8-10% des distances parcourues.

Même en Hollande, le vélo est donc loin d’avoir tué l’auto… Parvient-ils au moins à la faire reculer ?

Premier niveau de comparaison : le nombre de kilomètres parcourus en voiture aux Pays-Bas et en France est-il différent ? Le premier graphique montre le nombre de voitures pour 100 habitants. Le second graphique montre le nombre annuel de kilomètres parcourus par une voiture.

sources : France : 32.7 M voitures pour 67 M habitants. Pays-Bas : 8.5 M voitures pour 17.2 M habitants

sources : France et Pays-Bas (ou ici)

Les chiffres sont presque identiques ! 

En multipliant les deux valeurs (le taux d’équipement fois la distance annuelle par voiture), on trouve que la parc total de voitures parcourt en moyenne chaque année 6.400 km par habitant pour les 2 pays. 

Pour compléter le tableau par une perspective historique, voici l’évolution sur 30 ans de la taille du parc automobile hollandais : +55% (alors que la population n’a progressé que de 15%).

Le constat est simple : aux Pays-Bas, en même temps que le vélo a progressé, l’usage de la voiture s’est renforcé.

L’idée d’un pays tournée vers le vélo et en cours d’abandon de la voiture est un mythe : on contraire, la voiture y progresse.

(Le tableau serait encore moins glorieux pour les Pays-Bas si l’on redressait les chiffres par la répartition des populations urbaines, pour lesquelles les moyens de transport collectif sont nombreux : 93% de la population hollandaise est urbaine, contre 80% en France)

La véritable fin est de baisser les émissions ; les alternatives propres ne sont que des moyens

En s’enthousiasmant pour le développement du vélo, on peut passer à côté de l’essentiel pour l’avenir du climat : les émissions de CO2 baissent-elles, la voiture thermique recule-t-elle ?

On a un problème symétrique pour le développement des énergies renouvelables : comme on le voit sur le graphique suivant, développer énormément d’énergies renouvelables n’assure pas un recul des énergies fossiles.

(nb : les échelles des graphiques, différentes, masquent le fait qu’en 30 ans, la croissance en valeur des énergies fossiles est plus de 10 fois supérieure à celle des renouvelables)

Pour lutter contre ce biais cognitif, un seul conseil : ne jamais se réjouir du développement d’alternatives propres sans s’intéresser à la baisse réelle des émissions.

Alors, le vélo, est-ce mal ?

Bien entendu, non : vive le vélo !

Développons le vélo, mais en ayant conscience qu’il ne peut qu’avoir un impact marginal sur les émissions de carbone.

Un ordre de grandeur : au maximum 10% de baisse.

En effet, selon le CEREMA, en agglomération les trajets de moins de 3km représentent 40% des trajets et 10% des distances parcourues. Pour les émissions, c’est le nombre de kilomètres qui nous intéresse. Si tous les trajets de moins de 3km parcourus actuellement en voiture étaient faits en vélo, on baisserait les émissions de gaz à effet de serre de 10%.

Alors, pour réellement diminuer les émissions des transports individuels, il faudra combiner différents leviers (le pourcentage donne un ordre de grandeur de baisse potentielle).

  • -80% : remplacer les moteurs thermiques par des moteurs électriques. Ca n’est ni moral, ni sobre, ni donné, mais c’est le plus efficace toutes choses restant égales par ailleurs
  • -20% : limiter la taille des voitures et des batteries
  • -10% : interdire les trajets courts en voiture, les remplacer par le vélo 🙂
  • ??% : réduction du parc automobile.


Sur ce dernier point, voici les écarts en termes d’équipement automobile des foyers selon la taille de l’agglomération (source statistita) :

Partager :